

Rares sont les pays où une nomination à la tête du fournisseur d’électricité national provoque autant d’enthousiasme : rappelé, le 11 août, par le nouveau premier ministre népalais, Sher Bahadur Deuba, pour diriger de nouveau la Nepal Electricity Authority (NEA), Kulman Ghising est, dans ce pays enclavé de quelque 30 millions d’habitants, fêté comme un héros national, un manageur propre et compétent, dans un océan d’incurie bureaucratique et de corruption. Son départ, au terme de son premier mandat, en 2020, avait été accueilli par des milliers de « #ThankYouKulman ». Malgré cette popularité, le premier ministre d’alors, Khadga Prasad Sharma Oli, avait refusé de le reconduire à son poste.
Le nouveau gouvernement, formé en juillet après des mois de crise politique au sommet, semble déterminé à poursuivre la transformation entamée par Kulman Ghising du pays en un acteur respectable de l’électricité au niveau régional, après des années de dysfonctionnement : le Népal est en bonne voie de devenir un exportateur régulier d’électricité vers l’Inde et le Bangladesh. L’un des plus gros projets du pays, sur la partie supérieure de la rivière Tamakoshi, qui coule à travers l’Himalaya depuis le Tibet, doit en principe être mis en ligne d’ici à l’automne et générer un surplus lors de la saison des pluies, de juin à septembre.
Le Népal est certes encore loin d’exploiter tout le potentiel que lui offre sa position centrale dans l’Himalaya : 6 000 rivières descendent des sommets pour un « potentiel économiquement viable » de 42 gigawatts (GW), selon un rapport de 2020 de la Banque asiatique de développement. Or, seulement 1,4 GW est aujourd’hui installé – auquel va s’ajouter 1,6 GW en 2021-2022. Le Tibet voisin, lui, est équipé à tour de bras en barrages par la Chine – le plus grand barrage du monde, avec une capacité de 60 GW, presque trois fois celle du barrage des Trois-Gorges (Hubei), est programmé sur le Yarlung Tsangpo, la section tibétaine du fleuve Brahmapoutre, dans le 14e plan quinquennal chinois (2021-2025). Tandis que le Bhoutan compte six centrales hydroélectriques, construites avec l’aide de l’Inde : l’exportation de l’électricité constitue près du tiers de ses revenus, grâce à une capacité installée de 2,3 GW, mais pour seulement 1,2 million d’habitants.
Un nid de corruption
La majeure partie de l’hydroélectricité népalaise est générée par des centrales hydroélectriques au fil de l’eau – c’est-à-dire sans retenue d’eau, à la différence du Tibet, générant une production d’électricité extrêmement variable selon les saisons : les turbines tournent à pleine capacité durant la saison des pluies, mais il est difficile de stocker de l’électricité. Ces contraintes, associées à une gestion désastreuse, ont longtemps limité la génération d’électricité et ralenti le développement économique du pays – jusqu’à la nomination à la tête de la NEA, en 2016, de M. Kulman, un ingénieur électrique qui a fait toute sa carrière au sein de l’entreprise d’Etat. Celui-ci va réussir un tour de force.
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via LeMonde
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