La justice russe place la chaîne de télévision indépendante Dojd sur la liste des « agents de l’étranger »


La justice russe a désigné, vendredi 20 août, l’emblématique chaîne de télévision Dojd comme « agent de l’étranger ». A l’approche des élections législatives de septembre, ce nouveau statut pourrait grandement gêner le fonctionnement de ce média indépendant en Russie.
Le nom de cette chaîne d’information payante, qui émet sur Internet, apparaît désormais sur la nouvelle liste officielle des « agents de l’étranger », une désignation controversée mise en place par une loi promulguée en 2012.
En Russie, les organisations ou individus qualifiés d’« agents de l’étranger » doivent s’enregistrer auprès des autorités, effectuer de fastidieuses démarches administratives et mentionner clairement ce statut dans leurs publications. La liste des « agents de l’étranger » concerne notamment les organisations financées de l’étranger et ayant des activités « politiques » en Russie.
« La chaîne Dojd n’est pas un “agent de l’étranger” (…), c’est un média russe », a réagi son rédacteur en chef, Tikhon Dziadko, sur la messagerie Telegram. Il a annoncé l’intention de la rédaction de faire appel de cette « décision qui contredit la loi et le bon sens ». « Bien sûr, nous allons continuer de travailler comme avant », a-t-il assuré.
La liste s’allonge
Fondée en 2010, la chaîne Dojd, l’un des derniers médias critiques du pouvoir russe, bénéficie d’un financement de l’Union européenne depuis 2014, selon sa direction, notamment pour le tournage des émissions visant à promouvoir les valeurs européennes en Russie.
En juillet, le site Internet d’information russe The Insider, qui travaille de Lettonie et collabore notamment avec le groupe d’investigation Bellingcat, à l’origine de plusieurs révélations sur les services secrets russes, a lui aussi été classé « agent de l’étranger ».
En avril et mai, deux médias russes réputés – Meduza, établi en Lettonie, et Vtimes, enregistré aux Pays-Bas – avaient déjà été placés sur cette liste, ce qui, plombant leurs recettes publicitaires, avait provoqué au bout de quelques semaines la fermeture de Vtimes.
Vendredi, l’ONG Amnesty International a accusé le Kremlin, dans un communiqué, d’« avoir lancé une campagne contre les médias indépendants visant à éradiquer le journalisme impartial et les enquêtes » journalistiques. « La loi étouffante sur les “agents de l’étranger” doit être immédiatement annulée », a déclaré la responsable de l’antenne russe d’Amnesty International, Natalia Zviaguina, citée dans le communiqué.
Depuis l’arrivée au pouvoir, en 2000, de Vladimir Poutine, la Russie est accusée de juguler toute forme de liberté d’expression à la télévision, mais les médias en ligne ont longtemps pu fonctionner relativement librement.
A mesure que leur audience a augmenté, notamment auprès des jeunes générations, ils ont toutefois commencé à susciter plus d’intérêt de la part des autorités et subissent un tour de vis depuis le début de l’année, coïncidant avec le retour en Russie de l’opposant Alexeï Navalny, emprisonné depuis. Les autorités russes ont multiplié ces derniers mois les pressions sur les médias indépendants.
via LeMonde
via DakarXIbar