
LETTRE DE STOCKHOLM

Jalal El Ali est médecin urgentiste à l’hôpital de Malmö. Agé de 32 ans, il est né en Suède et y a fait ses études de médecine. Mais comme son nom l’indique, ainsi que la couleur mate de sa peau et ses yeux sombres, Jalal a des origines étrangères, ce qui, apparemment, le disqualifie immédiatement aux yeux de certains patients. Dans un article publié le 26 juillet par le journal Dagens Nyheter, le jeune médecin raconte comment un homme, arrivé avec de graves symptômes aux urgences, a refusé qu’il s’occupe de lui, le traitant de « docteur arabe » et exigeant un médecin « ethniquement » suédois.
Ce genre de témoignages n’est pas nouveau. Déjà en 2018, la chaîne de télévision SVT avait mené une enquête, en collaboration avec le syndicat des praticiens Läkarförbundet, pour faire le point sur la discrimination ethnique et religieuse dont les médecins faisaient l’objet de la part de leurs patients. Sur les 2 266 qui avaient répondu, un quart affirmaient avoir subi des insultes en raison de leur origine ethnique ou religieuse.
A l’époque, l’enquête avait fait scandale, d’autant qu’elle avait été publiée avec de nombreux récits de personnels de santé, qui racontaient le racisme au quotidien. En charge de la santé, certaines régions avaient adopté des directives interdisant aux patients le droit de choisir leurs médecins, sur la base de l’ethnicité notamment.
« Trois dames à la peau claire »
L’article publié fin juillet par Dagens Nyheter a révélé que le problème n’avait pas disparu. Au contraire. Sur la base de témoignages comme celui de Jalal El Ali à Malmö et d’autres médecins, affirmant que, dans certains établissements, les patients obtenaient gain de cause quand ils refusaient d’être traités par des personnels d’origine étrangère, les journalistes ont contacté une centaine de centres de soins et cabinets dentaires dans tout le pays, se faisant passer pour des patients.
Chaque fois, ils ont demandé à être traités par un médecin « ethniquement » suédois. Et surprise : dans la moitié des cas, leurs interlocuteurs ont accepté leurs exigences. Certains ont tout de même cherché à savoir s’il s’agissait d’une inquiétude liée à la maîtrise de la langue, mais quand les journalistes ont démenti et mentionné l’ethnicité du médecin, cela n’a pas semblé poser problème.
Exemple de réponse : « Nous avons Maria, Sanna et Elsa. Trois dames à la peau claire », précise-t-on au secrétariat d’un cabinet médical. Dans une clinique dentaire privée du comté de Kronoberg, l’employé propose : « Stina qui est suédoise. Moa a grandi ici, mais elle est adoptée. » Et de préciser : « Je peux vous inscrire chez Stina si vous voulez. Ou bien juste écrire que vous ne voulez voir qu’un dentiste suédois. »
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via LeMonde
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